Une lettre de Sebkhet Sejoumi

Cyrine Ghrissi

Texte original en anglais – Traduction française par l’auteure 

Cette lettre a été rédigée au cours du processus du collectif Natural Contract Lab, puis lue à haute voix en trois langues lors de l'agora publique de Dream City 2023. Chaque Gardien du Séjoumi et chaque activiste présent se sont ensuite engagés à respecter la Sebkha. 




Chers invités de Dream City, 

Je suis Sebkhet Sejoumi, où le cœur de la nature bat en harmonie avec le flux et le reflux de mes eaux sacrées, témoin éternel du tissage de la vie en constante évolution en Tunisie, en Afrique et dans le monde entier. Je suis la voix de la Sabkha et aujourd'hui je m'adresse à vous, mes invités, pour vous faire part de l'urgence d'un sujet qui nous concerne tous : préserver et défendre ce lieu que vous avez tant admiré. 

Au fil du temps, d’innombrables formes de vie ont été incubées dans mes eaux tranquilles. J'ai observé en silence l'interconnexion de toute vie, alimentant une symphonie d'existence qui s'étend des plus petits micro-organismes aux plus grandes créatures et aux prédateurs les plus puissants. 

Et dans cette diversité ma force et ma flexibilité sont fortement liées, car toutes mes espèces contribuent au cycle de vie dont je fais et vous faites partie. J'ai vu des garçons jouer au football sans craindre de se blesser, confiants sur un sol sec et salé. J'ai vu des petits flamants roses errant à la recherche de nourriture et d'eau propre, des femmes ramassant el Kobiza, des femmes façonnant de l'argile, des familles allongées dans les champs verts fleuris, des oliviers résistants et des animaux s'adaptant et évoluant. J'ai aussi vu les conséquences lorsque cet équilibre est perturbé, vu des familles sur les toits évacuer des maisons inondées, un agriculteur traverser chaque jour des autoroutes pour arroser sa terre divisée en deux, des oiseaux sans abri, et des gens me traiter comme une ressource ou un bien immobilier. Un stock de terres qui peut être exploité sans penser à ma santé, mon eau et de ma verdure. Malheureusement, les gens se rapprochent des fois mais restent loin. 

Je vous parle aujourd'hui comme le murmure de l'eau qui coule des ruisseaux et des rivières qui m’alimentent, le fermier qui lutte chaque jour, les oliviers qui résistent encore, les créatures qui nagent sur et sous ma surface, les algues, les micro-organismes, les tortues. Et les mollusques, les oiseaux qui ornent mon ciel, les flamants roses et les canards, et les gens qui savourent mon calme le matin et au coucher du soleil. 

Aujourd’hui, j’élève ma voix, non pas pour déplorer les défis auxquels nous sommes confrontés, mais pour appeler à une nouvelle alliance et à un nouveau partenariat entre tous les écosystèmes et les communautés, les espèces et les humains qui m’entourent. Il est temps de réaliser que nos destins sont étroitement liés et que notre survie dépend de la santé et du bien-être de chaque être vivant, des plus petits insectes comme les abeilles aux arbres les plus hauts comme le tamaris, du lièvre à la salicorne. ..., du Malasin et Zouhour à la Mghira et de la Saida Manoubia à Sidi Hussein Al-Sejoumi. 

Pour former cette alliance, nous devons adopter une nouvelle façon de penser et de vivre. Nous devons donner la priorité à la durabilité plutôt qu’à l’exploitation, à la coopération plutôt qu’à la compétition et à l’harmonie plutôt qu’à la discorde. Il faut réaliser que le bien-être de l’individu et du groupe est fondamentalement lié au bien-être de tous. 

Ensemble, nous pouvons relever les défis qui agressent nos eaux tranquilles. Ensemble, nous pouvons nous lancer dans un voyage de guérison, de renouveau, de paix et de coexistence qui garantira le bien-être de chaque écosystème et de chaque espèce qui partage cet endroit. 

Croire ensemble en l’union pour la nature, pour la durabilité et un espoir illimité pour les générations futures.



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