Dans le geste du tissage nomade, déplacement et ancrage s'entrelacent. Du désert d'Afrique du Nord jusqu'aux confins du Tibet, en passant par le Moyen-Orient, la Turquie, l’Iran et l'Afghanistan, des peuples tissent à même la terre des tentes noires, au rythme de leurs traversées. 

Venus du Moyen-Orient il y a plusieurs siècles, les Mrazigues ont franchi l’Égypte, la Libye, avant de se disperser à travers l’Afrique du Nord. À la fin du XIIe siècle, ils trouvent ancrage dans le sud tunisien à Douz. Attachés à la mémoire de leurs origines, liés à la terre qui les porte, ils poursuivent, malgré la sédentarisation, ce tissage ancestral, tel un souffle retenu, toujours prêt au départ. Comme si chaque fil, vibrant, portait en lui la promesse d'un nouveau voyage. Profondément ancré dans le sol, leur art questionne l'exil, le territoire, et murmure, en creux, l'écho poignant d'un éternel aller-retour… Le tissage devient matière de sens, lieu d'incarnation où se dessine, dans l'épaisseur du geste, l'image mouvante de territoires déplacés… Une chaîne noire, tendue et résistante, où la matière prend forme et se fait voix, interroge, dans une langue universelle, le déracinement, l'enracinement, la terre… Une corde de rappel, persistante, immuable, quels que soient l'espace et le temps…